Le 11 mai prochain aura lieu en France l'acte I du déconfinement. Sera-t-il suivi d'une nouvelle phase de confinement ou au contraire élargi ? Nul ne le sait. Ce qui est certain, en revanche, c'est que le monde d'avant n'est pas pour maintenant.

À quoi ressemble le monde de l'énergie à quelques jours du déconfinement ?

Les premiers impacts de la crise sanitaire du Covid-19 ne laissaient guère place au doute. Les effets sur les marchés de l'énergie seraient lourds, profonds et pérennes. 7 semaines après les mesures de confinement prises en France, l'heure est au déconfinement. Ou plutôt, à une première phase de déconfinement puisqu'à l'heure actuelle, rien n'est figé. Il suffit de regarder les évolutions de la carte des départements publiée chaque soir par le Ministère des Solidarités et de la Santé.

La consommation d'énergie ayant connu un recul mondial historique, c'est toute la chaîne qui en a subi les conséquences. Les producteurs, les fournisseurs et les réseaux de distribution ont dû, et doivent encore, s'adapter. Également poussés ou contraints par des motifs (géo)politiques, ces acteurs ont géré des problématiques inimaginables il y a peu en termes d'organisation, de ressources humaines, de maintien de l'activité notamment commerciale, etc.

Le marché du gaz emporté dans la tempête des cours du pétrole

Mars et avril ont été des mois historiques pour le marché de gaz. En plus de la baisse de la demande imputée au ralentissement économique, il a subi le dévissage des cours de pétrole. Le déconfinement, impliquant une certaine reprise d'activité et donc une consommation en hausse, ne sera sans doute pas suffisant pour faire remonter le prix du gaz à son niveau antérieur avant longtemps.

La consommation de gaz naturel dans l'hémisphère Nord a ainsi connu une baisse de 3% au 1er trimestre 2020 par rapport à 2019 : -2,6% en Europe, -4,5% aux États-Unis. Le confinement et un hiver aux températures historiquement élevées sont, à l'instar de la demande d'électricité, les principaux responsables.

Mais pas seulement. Le cours du pétrole a fourni son lot d'événements inédits notamment à cause de l'abondance causée par le fossé creusé entre l'offre et la demande. Remonté depuis à des valeurs plus facilement concevables, le prix du baril américain a par exemple clôturé à un prix largement négatif dans les derniers jours d'avril : quasiment -40$ ! Les raisons sont autant géopolitiques qu'économiques, au point que le déconfinement ne sera pas une solution miracle. Autre menace, le taux de remplissage des stocks de gaz. Très élevés, ils limitent la marge de manœuvre des pays producteurs de pétrole et favorisent la spéculation.

Le marché de l'électricité solide mais sous surveillance

Sans surprise, l'augmentation mécanique de la consommation résidentielle n'a pas pallié l'effondrement de la consommation commerciale et des opérations industrielles. Malgré tout, le marché de l'électricité a prouvé sa solidité. Voici les principaux indicateurs à retenir avant que la demande ne reparte à la hausse avec le déconfinement.

  1. La consommation d'électricité a diminué de 15 à 20% dans la plupart des pays dont la France. Même la crise financière de 2008 n'avait pas eu un impact aussi fort et brutal. Cette chute de la demande est surtout provoquée par les mesures de confinement. Les températures supérieures à la normale depuis début 2020 ont cependant joué un rôle non négligeable.
  2. La situation de la France est comparable à la trajectoire observée en Italie. De son côté, l'Allemagne a conservé un niveau de consommation relativement semblable à la période d'avant-crise.
  3. Le prix de l'électricité a connu une forte en baisse en mars. Elle a été en partie compensée dès les premiers jours d'avril. Depuis, les augmentations et les baisses sont plus réduites même si elles restent relativement importantes.
  4. Les sources de production les plus impactées sont d'origine thermique, principalement les centrales au charbon ou au gaz. A contrario, la situation favorise le recours aux énergies renouvelables dont les coûts de production varient peu : éolien, solaire, hydraulique... La part des EnR dans le mix électrique français augmente donc logiquement en proportion. À noter que la crise du coronavirus a retardé voire remis en cause certaines installations ou opérations de maintenance, du nucléaire aux énergies renouvelables.
  5. Les émissions de CO2 ne connaîtront pas de baisse spectaculaire en France. Basée à 70% environ sur l'énergie nucléaire et décarbonée à hauteur de 93%, l'électricité produite dans notre pays émet déjà peu de CO2.

Confinement / déconfinement : les prévisions de l'Agence internationale de l'Énergie pour 2020

L'Agence Internationale de l'Énergie, et elle n'est pas la seule, essaie depuis le début de la crise d'établir différents scénarios pour "l'après". Aussi difficile et incertain que soit l'exercice, il permet toutefois de dégager certaines tendances pour l'année 2020.

  • La demande mondiale d'énergie devrait se contracter de l'ordre de 6%. Une perte comparable au volume consommé en 1 an par l'Inde.
  • 9,3 millions de barils en moins chaque jour. Ce pourrait être la baisse de la consommation de pétrole en 2020 par rapport à 2019, soit -9%. Avec 90,6 mbj, la demande redescendrait au niveau de 2012.
  • En dehors de énergies renouvelables, tous les autres combustibles seront également en forte baisse sur l'ensemble de l'année 2020 comme le gaz (-5%) ou le charbon (-8%).
  • Les émissions de Co2 devraient baisser de 8%, soit 2,6 Gigatonnes. Une diminution jamais observée.