La Commission européenne a publié son rapport annuel sur l'Union de l'énergie en 2020. L'impact de la crise du Covid-19 sur les données mesurées ne masque pas le retard pris sur certains indicateurs.

À moitié vide ou à moitié plein ? C'est un peu la question que l'on se pose à la lecture du rapport 2020 de l'Union de l'énergie présenté récemment par la Commission européenne. Faut-il se féliciter des chiffres bruts, attribuer la plupart des bons résultats à la crise sanitaire ou s'inquiéter de certaines tendances ? Et, surtout, pouvons-nous croire que l'Europe prend enfin la mesure des enjeux environnementaux ?

Le secteur de l'énergie joue un rôle crucial dans la réduction des émissions et dans la mise en œuvre du pacte vert européen. Le rapport d'aujourd'hui sur l'état de l'Union de l'énergie montre les progrès que nous réalisons ainsi que les défis et les possibilités qui nous attendent. Les investissements et les réformes que nous mettons en place doivent favoriser la reprise verte et nous mettre sur la bonne voie pour devenir climatiquement neutres d'ici 2050.
Frans Timmermans, Vice-président exécutif de l'European Green Deal

Le rapport de la Commission européenne sur l'Union de l'énergie en 2020 se veut optimiste à première vue. Sans cacher néanmoins le travail qui reste à effectuer pour que les objectifs soient atteints.

Rapport 2020 sur l'Union de l'énergie : un bilan "positif, mais..."

L'Union de l'énergie est un programme européen appliquant au secteur de l'énergie les principes de l'European Green Deal. Ce "pacte vert pour l'Europe" est porté par la Commission européenne depuis la fin de l'année 2019. Son ambition principale est de rendre l'Europe climatiquement neutre d'ici 2050.

La crise sanitaire a accéléré la mise en œuvre de cette stratégie de croissance basée sur la lutte contre le changement climatique. La Commission européenne pilote désormais un plan d'investissement qui mise sur les réformes de transition verte pour stimuler la reprise économique. L'Union de l'énergie coordonne et encadre les efforts des 27 pays de l'Union européenne en matière de politique énergétique. Son rapport paru il y a quelques jours examine les résultats obtenus par les États-membres.

Décarbonation

Les émissions européennes de gaz à effet de serre sont à leur niveau le plus bas depuis 1990. Une diminution qui s'explique surtout par la baisse des émissions liées à l'approvisionnement en énergie. Dans leur grande majorité, les États-membres ont ainsi dépassé leurs objectifs de réduction des émissions de 20% entre 1990 et 2020. Cependant, le rapport note que le secteur des transports émet de plus en plus de gaz à effet de serre sur les 5 dernières années.

Énergies renouvelables

Les énergies renouvelables représentaient 18% de la consommation finale d'énergie en 2018 en Europe. Un point d'étape satisfaisant pour la plupart des pays dans la trajectoire devant mener l'Union européennes à atteindre 20% d'EnR en 2020. À l'exception de 3 États-membres pour qui l'échec semble inéluctable : Belgique, Pologne et France dont le retard avait déjà été remarqué. Les Pays-Bas et le Luxembourg sont aussi suspectés de ne pas réussir à atteindre l'objectif de 20%.

La Commission européenne estime toutefois que l'objectif sera dépassé : "le rapport sur l'état d'avancement des énergies renouvelables prévoit que l'UE atteindra 22,8% à 23,1% de la consommation brute d'énergie finale en 2020".

Efficacité énergétique

La consommation en énergie mesurée en 2018 laisse supposer que les objectifs pour 2020 ne seront pas atteints. La baisse de la demande causée par la crise du Covid-19 pourrait certes changer la donne. Mais ce serait un trompe-l'œil comme l'augure le rapport de l'Union de l'énergie : "même si cela peut aider à atteindre les objectifs d'efficacité énergétique de 2020, cela ne conduirait pas à une réduction structurelle de la consommation d'énergie. Des effets de rebond sont attendus dès que l'économie se redressera".

Union de l'énergie 2020 - Consommation en énergie
Efficacité énergétique en Europe - Évolution vers les objectifs 2020 © Commission européenne

Sécurité énergétique

Les chutes de consommation dès les premiers effets visibles de la crise du coronavirus et les problématiques d'approvisionnement en électricité et en gaz n'ont pas ébranlé les infrastructures et la sécurité des procédures en matière d'énergie des États-membres. Les outils et la coopération entre les différents acteurs européens ont montré leur efficience et leur réactivité même si des études de risque supplémentaires sont en cours de réalisation.

Marché intérieur de l'énergie

L'Union européenne souligne les nombreux efforts à effectuer pour "assurer une plus grande intégration des marchés de l'électricité et du gaz". La position dominante des opérateurs historiques est notamment pointée du doigt, 20 ans après la dérégulation du marché de l'énergie. Cela fait partie des raisons qui expliquent les écarts constatés des prix de fourniture européens (marchés de détail, chiffres 2019).

Électricité

  • Minimum observé : 98 €/MWh en Bulgarie
  • Maximum observé : 295 €/MWh au Danemark
  • Prix moyen pour l'UE : 216 €/MWh
Europe : Prix de l'électricité en 2019
Prix de l'électricité pour les ménages dans l'UE en 2019 © Commission européenne

Gaz

  • Minimum observé : 33 €/MWh en Hongrie
  • Maximum observé : 116 €/MWh en Suède
  • Prix moyen pour l'UE : 68 €/MWh
Europe : Prix du gaz en 2019
Prix du gaz pour les ménages dans l'UE en 2019 © Commission européenne

Recherche, innovation et compétitivité

Le rapport de l'Union de l'énergie 2020 déplore la baisse des dépenses en Recherche & Développement. Une tendance qui serait mondiale puisque l'Agence Internationale de l'Énergie évalue les dépenses publiques en faveur des technologies énergétiques à faible intensité de carbone comme étant "plus faibles en 2019 qu'en 2012".

[...] les investissements en R&D dans les activités définies dans le plan stratégique européen pour les technologies énergétiques, convenu entre les États membres, l'industrie, la communauté de la recherche et la Commission, ne représentent que 15 % des besoins estimés jusqu'en 2030. En outre, peu d'États membres ont des objectifs nationaux qui indiqueraient des pistes appropriées pour 2030 et 2050.
Rapport de l'Union de l'énergie 2020 - Commission européenne

Pionnières dans l'énergie éolienne, l'hydrogène renouvelable et l'énergie marine, les industries européennes bénéficient toujours d'un avantage technologique dans ces domaines. Mais la Commission européenne constate dans le rapport de l'Union de l'énergie que cet avantage tend à disparaître. Elle incite même les pays européens à exploiter rapidement d'autres secteurs prometteurs : "les batteries solaires et lithium-ion sont particulièrement pertinentes compte tenu de l'augmentation prévue de la demande, de leur modularité et de leurs retombées potentielles sur d'autres applications telles que l'intégration des systèmes d'énergie solaire dans les bâtiments, les véhicules ou d'autres infrastructures".

Union de l'énergie 2020 : l'évaluation du plan de la France

Comme tous les États-membres, la France a dû adopter un plan national pour l'énergie et le climat (PNEC) à horizon 2030. Il détermine sa méthode pour atteindre ses objectifs individuels fixés par l'Union européenne. Ce plan se base en réalité sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie et la Stratégie nationale bas-carbone qui constituent la feuille de route de la France pour tenir ses engagements climatiques et énergétiques.

Une première version du PNEC a été soumise à la Commission européenne, donnant lieu à certaines recommandations. Ayant modifié son contenu, la France a alors présenté une version définitive de son plan décennal en avril 2019. Le verdict de la Commission européenne vient d'être rendu en parallèle du rapport 2020 de l'Union de l'énergie.

PNEC France - Objectifs 2030
Objectifs du plan national français sur l'énergie et le climat © Commission européenne

À l'instar du plan national des autres États-membres, le PNEC français est ainsi évalué dans chaque dimension des objectifs énergie-climat. La Commission européenne examine en particulier la prise en compte de ses recommandations.

  • Largement prises en compte dans le PNEC de la France : Énergies renouvelables, Efficacité énergétique
  • Partiellement prises en compte : Marché intérieur de l'énergie, Recherche, innovation et compétitivité
  • Non prises en compte : Sécurité énergétique

Allier transition énergétique et relance économique

La Commission européenne invite également la France à mettre en œuvre des mesures et réformes liées à l'énergie et au climat. Elle propose ainsi plusieurs pistes à intégrer dans son plan de relance.

  • Accroître l'efficacité énergétique des bâtiments, y compris les logements sociaux
  • Promouvoir les énergies renouvelables, notamment en simplifiant les procédures administratives pour soutenir les investissements
  • Renforcer et étendre les lignes de transport et de distribution, y compris les interconnexions électriques avec les pays voisins
  • Examiner les incitations économiques pour soutenir la transition énergétique
  • Promouvoir la mobilité durable en accélérant l'électrification des transports et l'utilisation de carburants de substitution, y compris l'hydrogène
  • Investir dans les infrastructures de mobilité verte

À charge pour la France de s'engager pleinement dans une démarche volontaire de transition énergétique. Ses choix seront en effet cruciaux pour l'avenir du pays. Avec pour objectif d'instaurer désormais un cercle vertueux entre ambition écologique et relance économique.

Les plans nationaux pour l'énergie et le climat sont un outil essentiel pour notre travail avec les États membres en vue de planifier les politiques et les investissements pour une transition verte et juste. Le moment est venu de concrétiser ces plans et de les utiliser pour nous sortir de la crise de Covid-19 avec de nouveaux emplois et une Union de l'énergie plus compétitive.
Kadri Simson, Commissaire à l'énergie - Site web officiel de l'Union Européenne