La crise sanitaire causée par le coronavirus a des conséquences directes et indirectes énormes. Au croisement des enjeux économiques, géopolitiques et de santé publique, les marchés de l'énergie ne font pas exception.

Sujet lointain en début d'année, le Covid-19 est devenu une préoccupation mondiale depuis quelques jours ou semaines selon les personnes. Aujourd'hui, l'impact du coronavirus est indéniable sur notre vie quotidienne : travail, déplacements, loisirs... La répercussion sur les marchés de l'énergie est énorme avec notamment une baisse des consommations et des cours boursiers. Au point que plusieurs questions se posent déjà. Quelles seront les conséquences sur notre mode de vie, les bases de notre société, nos choix politiques, commerciaux et énergétiques ? Pouvons-nous déjà tirer des leçons de l'épisode exceptionnel que nous sommes en train de vivre ?

Le secteur pétrolier est le plus impacté par la crise du coronavirus

Déjà très controversé, le secteur pétrolier connaît une actualité particulièrement mouvementée depuis plusieurs semaines. D'abord à cause de la situation de la Chine où a débuté l'épidémie, devenue pandémie, du coronavirus. Pour bien l'apprécier, il faut savoir que le pays a absorbé plus de 80% de l'augmentation de la demande mondiale de pétrole l'an dernier. Il représente quasiment 15% de la consommation totale avec 14 millions de barils quotidiens. Du jour au lendemain ou presque, le robinet a été coupé. Ce premier impact du coronavirus sur le marché de l'énergie n'était en fait qu'un point de départ.

Entre santé publique, économie et géopolitique

Deux facteurs aggravants se sont ensuite produits de façon quasiment concomitante : le développement mondial du Covid-19 et l'échec des négociations de l'OPEP+. Le premier a accentué l'effondrement de la consommation de pétrole, principale source d'énergie utilisée dans les déplacements. D'abord progressivement puis brutalement avec les mesures de confinement.

Le deuxième facteur a eu pour théâtre une réunion des principaux pays producteurs de pétrole à Vienne (Autriche). Les membres de l'OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) et dix autres pays producteurs de pétrole (Russie, Mexique, Azerbaïdjan...) se sont réunis vendredi 6 mars pour étudier une nouvelle baisse concertée de la production d'or noir en réponse à la pandémie. Cette assemblée, désignée sous le nom d'OPEP+, avait en effet déjà acté en décembre dernier une diminution de 1,7 millions de barils par jour pour soutenir les cours du pétrole.

La crise sanitaire du Covid-19 étant une difficulté supplémentaire pour atteindre cet objectif, l'Arabie Saoudite a proposé lors de la réunion de Vienne de baisser sa propre production de 1 million de barils par jour et que la Russie en fasse de même à hauteur de 500 000 barils par jour. Devant le refus exprimé par Alexandre Novak, ministre russe de l'énergie, aucune décision commune n'a été prise. L'Arabie Saoudite a alors fait le choix de casser les prix pour préserver sa part de marché. Tout en menaçant d'augmenter sa production de 9,7 millions à 12 millions de barils par jour. Résultat : un dévissage boursier historique.

Coronavirus : un impact durable sur les marchés de l'énergie

Le coronavirus a donc eu un impact direct sur la consommation et le cours du pétrole. Forcément, les répercussions ne sont pas minces sur l'évolution du secteur. L'Agence Internationale de l'Énergie a aussitôt corrigé ses prévisions pour 2020 en imaginant plusieurs scénarios. De l'augmentation prévue, il y a quelques semaines seulement, de 825 000 barils par jour, l'AIE table désormais sur une baisse de la demande de 90 000 barils par jour. Sans exclure un scénario du "pire" (-730 000 barils par jour) ou du "meilleur" (+480 000 barils par jour) selon les évolutions de la pandémie.

Impact coronavirus sur le marché du pétrole
Demande de pétrole en 2020 : les différents scénarios (AIE, Oil Market Report - March 2020)

Ces variations de la demande en pétrole ont des conséquences sur les pays producteurs, les grandes compagnies pétrolières ainsi que les entreprises du secteur parapétrolier. C'est en effet l'ensemble de l'écosystème du marché du pétrole qui est concerné : bureaux d'étude, matériel d'extraction, maintenance, etc. Une crise qui touche des entreprises déjà fragilisées.

Le ralentissement de l'activité économique est un autre impact de la crise du coronavirus. Interdépendant des problèmes du secteur pétrolier, il résulte principalement des mesures de restriction des déplacements et de confinement. Ce ralentissement provoque cependant des phénomènes à première vue positifs.

  • Baisse de la pollution notamment en Chine ou en Italie
  • Diminution de la consommation d'énergie, par exemple -10% à -15% en France par rapport à la normale

Sauf que le marché des énergies renouvelables subit également un frein considérable dans son développement. Les courbes de croissance du solaire ou de l'éolien seront donc moins en hausse que prévu. D'autant que de vieux réflexes pourraient resurgir pour relancer au plus vite la machine économique une fois la crise digérée. En faisant notamment appel aux énergies fossiles immédiatement mobilisables et en masse.

Un effet d'entraînement inévitable

D'autres dommages importants sont observés ou attendus, causes ou conséquences des éléments cités jusqu'à présent. Leur occurrence est avérée à toutes les échelles : locale, continentale et mondiale.

  • Ralentissement ou arrêt partiel voire total d'un grand nombre d'activités économiques
  • Taux d'annulation record dans les secteurs du tourisme et de l'événementiel
  • Interruption ou report de la plupart des compétitions sportives et culturelles

Une gestion de crise qui interroge

En Europe, chaque pays a réagi à son rythme et à sa manière face à la crise sanitaire provoquée par le Covid-19. Son développement fulgurant en Italie a provoqué, au-delà de toute polémique, des mesures très variées. Certaines nations sont passées d'un certain scepticisme à une radicalité certaine comme l'Espagne. Avant d'effectuer un virage à 180°, le gouvernement anglais avait de son côté choisi de laisser le pays subir l'impact du coronavirus de plein fouet.

Les dirigeants politiques se sont aussi concertés à l'échelle de l'Union Européenne. Prenant alors quelques décisions, de façon commune ou bilatérale, dont l'avenir jaugera l'efficacité comme la fermeture des frontières.

Les acteurs français de l'énergie sont prêts à gérer les impacts du coronavirus

Dans le secteur de l'énergie, l'inquiétude n'est pas de mise. Les différents opérateurs échangent en continu avec les pouvoirs publics pour s'adapter aux évolutions de la crise sanitaire. Une nouvelle étape a d'ailleurs été enclenchée en début de semaine. Elle fait suite au(x) discours du Président Emmanuel Macron et aux recommandations du Ministère de la Transition écologique.

À tour de rôle, les différents acteurs de l'énergie ont communiqué sur leurs capacités d'adaptation durant la crise sanitaire. Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE a ainsi déclaré pouvoir assurer sa mission de service public.

RTE déclenche, ce lundi 16 mars son Plan de Continuité d'Activité (PCA). Ce plan est actualisé, en permanence, afin d'assurer la gestion du réseau et la sécurité d'accès à l'alimentation en France. Il comporte plusieurs phases pouvant être déployées selon l'évolution de la situation.
Communiqué de presse de RTE, Covid-19 : mesures mises en place par RTE pour assurer la continuité de l'accès à l'alimentation électrique des français - 15 mars 2020

Enedis, qui gère 95% du réseau de distribution d'électricité en France, affirmait le 16 mars "garantir et assurer la distribution d'électricité aux Français". En précisant, à l'instar de RTE, que "seules seront assurées les activités strictement nécessaires à la sécurité des personnes et des biens, et au maintien de la continuité de fourniture d'électricité".

Toutes les mesures nécessaires ont également été prises pour le transport du gaz selon GRTgaz. Comme son homologue de l'électricité RTE, le gestionnaire principal du réseau national a déclenché son Plan de Continuité de l'Activité (PCA).