Quelques semaines après un accablant rapport sur l'EPR de Flamanville, EDF réagit en proposant un plan d'excellence pour la filière nucléaire en France. Le plan Excell repose sur un renforcement de la qualité, des contrôles et le développement des compétences. Pour une mise en oeuvre prévue dès 2020.

Le PDG d'EDF est décidément sur tous les fronts ces temps-ci. Après avoir défendu en juin le plan Hercule destiné à réorganiser le géant français de l'énergie, Jean-Bernard Lévy a présenté vendredi dernier à la presse le plan Excell. Celui-ci est la réponse au rapport de Jean-Martin Folz sur la construction de l'EPR de Flamanville qui pointait "l'échec d'EDF" (voir plus bas).

Au secours de la filière nucléaire

L'objectif du plan Excell est clair. Il faut de toute urgence rehausser le niveau d'exigence, de compétence et de qualité sur l'ensemble de la filière du nucléaire en France. C'est en substance le message que le PDG d'EDF veut faire passer. Doté d'un budget de 100 millions d'euros, le plan Excell sera en effet appliqué dès 2020. Un "Délégué général à la qualité industrielle et aux compétences" qui reste à recruter supervisera sa mise en oeuvre.

Un plan d'excellence basé sur 3 axes

Premièrement, renforcer la qualité industrielle. Pour cela, Jean-Bernard Lévy propose de réviser la relation client-fournisseur. Comprendre une sélection plus exigeante sur la qualité (et donc moins sur le prix) mais aussi plus de coopération avec les fournisseurs en amont de leurs missions. Les sous-traitants seront également concernés par les process de qualification et de contrôle de qualité. Le délégué général du plan Excell sera chargé d'analyser les problèmes qui apparaîtront. Il devra de même répandre les bonnes pratiques sur l'ensemble de la filière. Cela concerne notamment la stratégie du constructeur de centrales nucléaires Framatome, filiale à 75% d'EDF.

Deuxièmement, renforcer les compétences. La formation, le recrutement et l'accompagnement sont les pierres angulaires de cette annonce.

  • Création d'une Université des métiers du nucléaire en collaboration avec le GIFEN (Groupement des Industriels Français de l'Énergie Nucléaire)
  • Mise en place d'un outil de knowledge management pour recenser et diffuser les savoirs auprès des ingénieurs d'EDF
  • Gestion de l'emploi et des parcours croisés entre EDF, ses filiales et la filière nucléaire
  • Focus sur le métier de soudeur, hautement stratégique, au niveau du recrutement et de la formation

Enfin, renforcer la gouvernance des grands projets. Chacun d'entre eux sera chapeauté par un comité stratégique présidé par le PDG d'EDF. Il fixera les objectifs, les moyens à mettre en oeuvre et les délais de réalisation. Les comités stratégiques veilleront au respect des engagements. Ils tiendront le Conseil d'administration d'EDF au courant de l'avancement des projets.

Atteindre la neutralité carbone grâce au plan Excell

Surfant sur la volonté affichée récemment par l'Union Européenne d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, Jean-Bernard Lévy en profite pour mettre en avant la filière nucléaire. Il conditionne même l'atteinte de cet objectif à la concrétisation du plan Excell.

Dans un contexte ou la transition énergétique est un enjeu majeur, le PDG d'EDF sait que son groupe joue gros. Les projets nucléaires en Angleterre (centrale d'Hinkley Point C) et en Chine (centrale de Taishan) sont sous les feux des projecteurs et des critiques. Le plan Excell est ainsi un signal de reprise en main envoyé aux partenaires commerciaux du monde entier.

EPR de Flamanville : de la tête de gondole à la tête basse

Censé être l'étendard de l'excellence française en matière de nucléaire, le projet de l'EPR de Flamanville est devenu un boulet pour EDF. À tous les niveaux d'ailleurs, du médiatique au financier. La facture a en effet explosé : plus de 12 milliards d'euros pour l'instant contre un budget prévisionnel de 3,3 milliards. De même que les délais. Prévus pour durer 54 mois, les travaux sont toujours en cours pour une mise en service espérée en 2023. Soit un retard sur le planning initial de plus de 10 ans.

En juillet 2019, Jean-Martin Folz a ainsi été chargé par EDF, sur recommandation du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, de réaliser un rapport sur le chantier de construction de l'EPR à Flamanville dans le département de la Manche. Une tâche dont l'ancien PDG de PSA s'est acquitté durant l'été, remettant les fruits de son travail en octobre dernier.

Le constat est sévère puisque le rapport cible une vision de départ "irréaliste", des problèmes de gouvernance et de gestion de la réalisation, une perte de compétences, etc. Le rapporteur conclut sans ambiguïté que "La construction de l'EPR de Flamanville aura accumulé tant de surcoûts et de délais qu'elle ne peut être considérée que comme un échec pour EDF ; mais les principales raisons de cet échec sont bien identifiables et permettent de formuler quelques recommandations". Un espoir autant qu'une promesse pour le groupe présidé par Jean-Bernard Lévy.

Le plan Excell doit permettre de créer les conditions d'un regain de confiance dans la filière nucléaire française et de répondre aux difficultés décrites dans le rapport de Jean-Martin Folz.
Jean-Bernard Lévy, PDG du groupe EDF