Lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, la Première ministre Elisabeth Borne a laissé entendre qu’EDF, acteur historique de l’énergie en France, serait très prochainement renationalisé à 100%.
EDF, leader français et européen de la distribution et de la commercialisation, et deuxième producteur d'électricité au niveau mondial juste derrière China Energy, devrait redevenir propriété de l'État français à 100%. Le géant de l'électricité représente un atout stratégique indéniable pour le gouvernement.
Une solution pour faire face à la crise de l'électricité. Mais pas uniquement…
Pour répondre à la demande énergétique et combler le manque de l'approvisionnement gazier russe, le gouvernement joue donc la carte du nucléaire pour préserver et renforcer sa souveraineté énergétique. Avec pour autre bénéfice non négligeable de sauver EDF dont la situation est compliquée.
- Le chantier du réacteur de Flamanville dans la Manche s'éternise (10 ans de retard) et la facture initiale est déjà multipliée par 4
- Le parc nucléaire ne fonctionne qu'à 50% à cause de travaux de maintenance et de problèmes techniques
- L'augmentation du plafond ARENH est un manque à gagner estimé à plusieurs dizaines de milliards d'euros
Les mains libres grâce à un actionnariat majoritaire
Depuis son entrée en bourse en 2005, le capital d'EDF est réparti entre l'État (84%), des actionnaires indépendants (15%) et les salariés (1%). En renationalisant l'entreprise, l'État redeviendrait seul maître à bord pour reprendre en main les activités d'EDF et couvrir ses dettes.
Et pourquoi pas relancer le fameux projet "Hercule" tant contesté par les syndicats et la Commission européenne. Celui-ci prévoit la restructuration d'EDF avec pour objectif de séparer les services en différentes entités.
• Une entreprise publique appelée EDF Bleu qui serait en charge des centrales nucléaires et du réseau de transport
• EDF Vert rassemblerait les activités commerciales, la distribution d'électricité et les énergies renouvelables. Cette branche pourrait être cotée en bourse afin d'attirer des investisseurs extérieurs.
• EDF Azur pour gérer les barrages hydroélectriques
L'État devra cependant réguler un marché où EDF ne pourra être favorisée par rapport aux fournisseurs d'électricité concurrents indépendants. Un casse-tête à l'échelle européenne dont l'issue est incertaine et qui pourrait durer.
Pour mener à bien ces différentes missions, Bercy a déjà lancé le processus de recrutement pour prendre la suite de Jean-Bernard Lévy, l'actuel président d'EDF. En place depuis 2014, il devrait en effet être remplacé dès la rentrée prochaine, bien avant la fin de son mandat prévue le 18 mars 2023.
Son successeur devra notamment mettre en œuvre la construction de 6 nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 et redresser le bilan comptable de l'entreprise. Tout en ayant "le sens des compromis" comme l'a récemment déclaré Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie.
Un contexte européen favorable
Côté bonne nouvelle pour le futur d'EDF, les eurodéputés viennent d'attribuer le label "vert" au gaz et surtout au nucléaire. Il était jusqu'ici réservé aux énergies renouvelables. L'exécutif européen considère que les énergies renouvelables ne peuvent répondre seules aux besoins en électricité. Et qu'il est urgent de considérer le nucléaire comme une énergie de transition vers un hypothétique 100% EnR afin de lutter contre le changement climatique.
La stratégie nucléaire d'EDF se retrouve ainsi renforcée car l'objectif du gouvernement est d'utiliser cette énergie pour se passer définitivement du gaz, du pétrole et du charbon et atteindre ainsi la neutralité carbone en 2050. De plus, en prenant les commandes de l'électricien français, l'État pourra alors plus facilement mener la construction des EPR2 dont le coût estimé est de 56 milliards €.