Le groupe industriel français est lancé dans une réorganisation majeure qui soulève l'opposition des syndicats et l'inquiétude des élus et des consommateurs. Le projet Hercule d'EDF est suivi de près par l'État français sous le regard attentif de l'Europe et des marchés financiers. Retour sur un dossier sensible.
En misant sur la référence mythologique avec le nom d'Hercule donné à son projet de réorganisation, EDF a semble-t-il ouvert la boîte de Pandore. Depuis son annonce en juin dernier par le PDG Jean-Bernard Lévy, la réorganisation n'en finit pas de provoquer des remous.
Pourquoi EDF a lancé le projet Hercule ?
L'objectif premier du projet Hercule est pour EDF de séparer à l'horizon 2022 le nucléaire de ses autres activités pour assurer sa sécurité financière. Pour cela, la production nucléaire doit être intégrée dans une structure détenue à 100% par l'État. Cette entité, nommée EDF bleu, réunirait également la production hydraulique et le réseau de transport de l'électricité géré par RTE.
La nationalisation de ces actifs aurait pour pendant la création d'EDF vert, une structure ouverte aux capitaux extérieurs. EDF vert serait ainsi composée de la commercialisation de l'énergie aux professionnels et aux particuliers, du réseau de distribution Enedis, des énergies renouvelables (à l'exception de l'hydraulique), des activités d'EDF en Corse et dans les départements d'outre-mer.
Un projet accueilli entre protestation...
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les syndicats d'EDF (FO, CGT, CFDT...) ont accueilli fraîchement ce projet de réorganisation. Ils dénoncent un découpage du groupe, la précarisation du statut des salariés et la fin du modèle français du marché de l'électricité. Avec pour conséquence la hausse des prix et la baisse de la qualité de service aux consommateurs.
Un avis partagé par certains élus locaux qui craignent que la privatisation d'Enedis notamment implique à terme un déséquilibre entre les grandes métropoles et les zones faiblement peuplées. Et donc peu attractives pour les distributeurs d'électricité.
... prudence...
De l'autre côté, l'État français entend avancer prudemment, mais avancer quand même. Actionnaire à plus de 80% d'EDF, il est bien entendu à la manœuvre tout en jouant sur plusieurs tableaux. Le projet Hercule doit en effet lui redonner le contrôle total sur la production nucléaire tout en se conformant aux directives de la Commission européenne sur l'organisation du marché de l'énergie.
Dans le même temps, les pouvoirs publics doivent gérer la grogne sociale (40% des salariés d'EDF se sont par exemple mis en grève le 19 septembre dernier) qui intervient dans un climat déjà tendu. Ce qui explique sans doute le délai accordé au lancement du projet Hercule par le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy début octobre.
... et impatience
Repoussée de quelques mois (au moins ?), la réorganisation du groupe industrielle est de plus soumise à la pression des marchés financiers qui y sont très favorables. Pour preuve, l'annonce du report a causé une chute de l'action EDF dans la foulée, celle-ci atteignant son niveau le plus bas depuis septembre 2017.
Dans le détail, c'est surtout l'augmentation des prix de vente de l'électricité nucléaire historique (ARENH) qui est un critère de confiance pour les marchés. Cette électricité est actuellement vendue aux autres fournisseurs au tarif de 42 €/MWh. EDF souhaite l'augmenter pour couvrir ses frais de production et pérenniser l'entretien et le développement du parc nucléaire français.
Une décision qui dépend de l'Europe, d'où la volonté de l'État français de la convaincre de sa bonne volonté en engageant le projet Hercule. CQFD.