La Cour des comptes alerte sur les défis du nucléaire : quelles implications pour les entreprises ?
La Cour des comptes vient de publier un rapport qui ne passe pas inaperçu[1]. Le document fait le point sur l’état réel du parc nucléaire français et sur les défis qui attendent EDF dans les années qui viennent. Entre une maintenance qui prend de l’ampleur, des arrêts de tranche qui durent plus longtemps que prévu et la volonté d’allonger la durée de vie des réacteurs, le système électrique va devoir tenir un équilibre subtil. Les entreprises, elles, suivent ces évolutions de près : ce sont elles qui en subissent les effets sur les prix.
Les chiffres rappellent l’importance du nucléaire dans le mix français : 57 réacteurs sur 19 sites et plus des deux tiers de la production nationale. Mais cette production a un coût, et surtout une complexité. Depuis 2014, EDF investit plus de 6 milliards d’euros par an dans la maintenance et la modernisation de ses installations.
Trois dynamiques se cumulent :
- un parc qui vieillit et dont l’âge moyen tourne désormais autour de 40 ans ;
- des exigences de sûreté parmi les plus strictes au monde ;
- des travaux industriels destinés à améliorer les performances ou à prolonger la durée de vie des centrales.
La Cour pointe un élément particulièrement parlant : les dépenses liées au quatrième réexamen périodique — celui des 40 ans — ont parfois été multipliées par six. Rien d’étonnant, donc, à ce que les plannings des dix prochaines années soient déjà tendus.
Une disponibilité nucléaire qui se dégrade
Malgré ces efforts, la disponibilité nucléaire s’est affaiblie au fil du temps. Entre 2014 et 2024, elle s’est maintenue autour de 74 %, loin des 80 % observés auparavant. Plusieurs crises successives sont passées par là : des défauts métallurgiques en 2016, les perturbations liées à la crise sanitaire, puis l’apparition de la corrosion sous contrainte (CSC) à partir de 2021.
La CSC illustre bien la fragilité du parc face à des phénomènes inattendus. EDF a amélioré ses outils de diagnostic et intégré les réparations dans les arrêts de tranche, mais l’impact a été lourd. En 2022, la production nucléaire est tombée à 279 TWh, un niveau qu’on n’avait plus vu depuis 1988. La Cour estime d’ailleurs que cette situation a représenté environ 8 % du chiffre d’affaires du groupe sur la période 2021–2024.
À cela s’ajoutent des difficultés plus profondes : une perte de compétences sur certains métiers, une dépendance forte à la sous-traitance, et des arrêts de tranche qui dépassent régulièrement les durées prévues.
Prolonger les réacteurs : un choix économique avant tout
Malgré des tensions bien réelles, la Cour confirme une tendance de fond : prolonger le parc actuel reste rentable. L’exploitation jusqu’à 50 ou 60 ans affiche un coût actualisé autour de 51 €/MWh, bien en dessous de celui de nouveaux moyens pilotables.
Cette orientation figure d’ailleurs parmi les axes de la future Programmation pluriannuelle de l’énergie, qui prévoit de maintenir les réacteurs aussi longtemps que la sûreté l’autorise, tout en développant les futurs EPR2. Pour les entreprises, cela signifie une base électrique pilotable et bas-carbone qui restera présente pendant plusieurs décennies — un facteur de stabilité, même si les aléas techniques demeurent.
Quel impact pour les prix de marché et les contrats professionnels ?
Le rapport apporte plusieurs éclairages utiles aux acheteurs d’énergie.
Une volatilité qui ne devrait pas disparaître
Le coût complet du nucléaire reste bas, mais la disponibilité nucléaire devient le paramètre clé pour comprendre les variations de prix. Les années de maintenance intensive qui s’annoncent continueront de peser sur les marchés.
Des aléas toujours possibles
L’épisode de corrosion sous contrainte l’a montré : un incident technique suffit parfois à déclencher une tension rapide sur les prix spot et à terme.
Un regain d’intérêt pour les couvertures long terme
La prolongation du parc ouvre la voie à des dispositifs plus stables, comme les CAPN, mais les entreprises doivent analyser finement leur profil de consommation pour trouver la formule la plus adaptée.
Renégocier tôt pour limiter les risques
Avec un calendrier de maintenance déjà chargé, certaines périodes d’indisponibilité peuvent concentrer les hausses de prix. Anticiper ses renouvellements reste un moyen efficace de sécuriser de meilleures conditions.
À retenir pour les entreprises
Le rapport met en lumière un paradoxe : le parc français reste compétitif, mais sa disponibilité demeurera fragile dans les années qui viennent. Les entreprises ont donc intérêt à intégrer cette incertitude dans leur stratégie énergétique et dans la gestion de leurs contrats.
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La disponibilité nucléaire joue un rôle déterminant dans la formation des prix. Alliance des Énergies suit ce paramètre en continu et accompagne les professionnels pour analyser leurs options, sécuriser leurs contrats et anticiper leurs échéances. Pour définir une stratégie adaptée à votre activité, nos consultants sont à votre disposition.
[1] https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-maintenance-du-parc-electronucleaire-dedf-en-france