Le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) a connu plusieurs évolutions majeures début septembre. À la suite de trois arrêtés publiés le 5 septembre 2025, un nouvel arrêté daté du 8 septembre 2025 vient remplacer et préciser les mesures concernant la mobilité électrique (fiches TRA-EQ-114 et TRA-EQ-117) et clarifier la bonification en zones non interconnectées (ZNI). Objectif : sécuriser le cadre, ajuster les barèmes et renforcer les contrôles.

Industrie : une bonification exceptionnelle pour certains secteurs

L'arrêté ECOR2524044A introduit une prime renforcée pour les opérations spécifiques réalisées dans quatre secteurs industriels stratégiques couverts par le Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) : aluminium, acier, ciment et engrais.
Pour en bénéficier, la condition est de remplacer un vecteur fossile par une énergie sans émission directe de CO₂ (électrification, chaleur renouvelable, biomasse…). L'opération doit être engagée avant le 31 mars 2026, et achevée avant le 31 décembre 2033. Si ces règles sont respectées, les CEE délivrés sont multipliés par 2, ce qui double la valorisation des projets.
En parallèle, le texte revoit le coefficient C appliqué aux opérations spécifiques. Sa nouvelle formule augmente mécaniquement la quantité de CEE délivrés, tandis que la date limite d'achèvement est repoussée au 31 décembre 2027.
Pour les industriels, il s'agit donc d'une fenêtre exceptionnelle pour accélérer les projets de décarbonation.

Qu'est-ce que le coefficient C ?

Le coefficient C est un facteur utilisé dans le dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) pour calculer la quantité de certificats attribués aux opérations spécifiques (celles qui ne sont pas décrites par une fiche standardisée).
Son objectif est d'ajuster la valorisation en fonction du gain énergétique réel du projet. Plus l'écart entre la consommation initiale et la consommation après travaux est important, plus le coefficient C augmente, et plus l'opération génère de CEE.
Avec sa revalorisation, un industriel ou une collectivité obtient désormais plus de CEE qu'avant à projet équivalent, ce qui améliore la rentabilité des opérations de décarbonation ou d'efficacité énergétique.

Mobilité : nouvelles règles pour les collectivités et les ZNI

Le nouvel arrêté du 8 septembre 2025 (ECOR2524330A) remplace les anciennes versions des fiches TRA-EQ-114 (personnes morales : collectivités, entreprises, loueurs/vendeurs) et TRA-EQ-117 (personnes physiques) et abroge l'arrêté du 5 septembre relatif à ces fiches. Les articles 4 à 6 (fiches/charte/contrôles) entrent en vigueur au 1ᵉʳ octobre 2025. À noter : la fiche TRA-EQ-117 concerne uniquement les personnes physiques (ménages) et n'a donc pas d'impact pour les professionnels et les collectivités.

TRA-EQ-114 (collectivités et personnes morales)

Cette fiche s'applique à l'achat ou à la location longue durée (contrats d'au moins 24 mois) de véhicules électriques neufs ou issus d'opérations de rétrofit, qu'il s'agisse de voitures particulières (M1) ou de véhicules utilitaires légers (N1 et N2 dérogataires de poids ≤ 3,5 tonnes). Les opérations sont éligibles pour toute acquisition engagée jusqu'en 2030. Le volume de CEE délivrés dépend de la taille du parc :

  • Barème standard : par exemple, 74 200 kWh cumac pour un véhicule M1 neuf.
  • Grands parcs (>100 véhicules pour les entreprises, >20 pour les collectivités) : les forfaits sont réduits (ex. M1 neuf : 59 400 kWh cumac en 2025–2026, puis 44 500 à partir de 2027).

Ces montants moins favorables à compter de 2027 constituent un signal fort : les collectivités et entreprises ont intérêt à anticiper leurs acquisitions d'ici fin 2026 pour bénéficier des barèmes les plus avantageux.

Les catégories de véhicules concernées

Catégorie M1

• Véhicules conçus et construits pour le transport de passagers.
≤ 8 places assises en plus du siège conducteur.
• Exemple : la majorité des voitures particulières (citadines, berlines, SUV, monospaces).

Catégorie N1

• Véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises.
Poids total autorisé en charge (PTAC) ≤ 3,5 tonnes.
• Exemple : utilitaires légers, fourgonnettes, petits fourgons type Renault Kangoo, Peugeot Partner, Fiat Ducato en version légère.

Catégorie N2

• Véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises.
PTAC > 3,5 tonnes et ≤ 12 tonnes.
• Exemple : camions de livraison urbains ou véhicules utilitaires intermédiaires.

 

TRA-EQ-131 (vélos-cargos électriques)

Cette fiche, consacrée aux vélos-cargos électriques, évolue également. Le coefficient ×2 accordé aux opérations réalisées dans les zones non interconnectées (ZNI) reste en vigueur pour la plupart des fiches, mais la fiche TRA-EQ-131 en est désormais exclue.
Une mesure transitoire est toutefois prévue : les opérations déjà engagées peuvent continuer à bénéficier de la bonification, à condition que le demandeur transmette au ministère la liste correspondante dans un délai de 7 jours. Pour les nouvelles opérations, une déclaration doit être effectuée dans un délai de 14 jours suivant la date d'engagement.
Ces ajustements réduisent l'attractivité financière de la fiche pour les territoires ultramarins et instaurent une obligation administrative plus stricte pour les porteurs de projets et demandeurs de CEE.

Programmes CEE : SLIME+ et TIMS révisés

Enfin, l'arrêté ECOR2523308A modifie deux programmes financés par le dispositif CEE.

SLIME+ (Services Locaux d'Intervention pour la Maîtrise de l'Énergie)

Le programme SLIME+ a pour objectif de renforcer la lutte contre la précarité énergétique. Il repose sur une méthodologie en quatre étapes : repérer les ménages concernés, diagnostiquer leur situation énergétique, orienter vers les solutions adaptées et accompagner une partie d'entre eux jusqu'à la mise en œuvre effective des recommandations.
D'ici 2027, les ambitions sont d'engager 100 collectivités, accompagner 100 000 ménages et couvrir 35 % de la population nationale. Pour atteindre ces résultats, le programme bénéficie d'un plafond fixé à 7 016 GWh cumac sur la période 2022–2027.

TIMS (Territoires Inclusion Mobilité Sobriété)

Le programme TIMS est consacré à l'écomobilité inclusive, avec pour objectif de faciliter les déplacements des ménages empêchés, notamment dans les territoires enclavés. Porté conjointement par Cler Solutions, l'association Mob'In, le Réseau des Agences Régionales de l'Énergie et de l'Environnement (RARE) et AURA-EE, il vise à structurer durablement une offre d'accompagnement à l'échelle nationale et locale.
Les objectifs sont de toucher 2 millions de ménages, former 100 conseillers en écomobilité et 100 référents territoriaux, et déployer 90 actions locales ainsi que 10 territoires pilotes. Le plafond de CEE alloué au programme s'élève à 5 TWh cumac pour la période 2023–2026.
Ces programmes traduisent la volonté de faire du dispositif CEE un outil non seulement technique, mais aussi social et territorial, en soutenant la précarité énergétique et la mobilité inclusive.

Impacts pour les professionnels

Pour l'industrie lourde, les nouvelles dispositions représentent une opportunité inédite. Les projets de substitution énergétique – consistant à remplacer un combustible fossile par un vecteur bas-carbone – bénéficient désormais d'une valorisation exceptionnelle, puisque le volume de CEE délivrés est doublé. Cet avantage est toutefois limité dans le temps : les entreprises doivent avoir engagé leurs opérations avant le 31 mars 2026 pour en bénéficier. Autrement dit, il s'agit d'une fenêtre stratégique à ne pas manquer pour accélérer les projets de décarbonation.

Du côté des collectivités et grandes entreprises, les ajustements apportés aux fiches mobilité créent un contexte favorable mais transitoire. Jusqu'à la fin de l'année 2026, les barèmes de certificats restent attractifs pour l'acquisition ou la location longue durée de véhicules électriques et pour les opérations de rétrofit. À partir de 2027, les montants seront sensiblement réduits, en particulier pour les structures gérant d'importants parcs automobiles. Engager les projets dès aujourd'hui permet donc de sécuriser une valorisation optimale.

Enfin, les acteurs territoriaux disposent de nouveaux leviers via la révision des programmes SLIME+ et TIMS. Le premier vise à renforcer la lutte contre la précarité énergétique en accompagnant massivement les ménages en difficulté, tandis que le second structure une offre d'écomobilité inclusive sur les territoires enclavés. Ces dispositifs, financés par les CEE, ouvrent des perspectives de coopération renforcée entre collectivités, associations et entreprises de l'énergie, en contribuant à la fois à la transition énergétique et à la cohésion sociale.

À retenir

Avec la publication de ces trois arrêtés, l'État fait évoluer le dispositif des certificats d'économies d'énergie sur plusieurs axes stratégiques. Le premier concerne la décarbonation industrielle, avec une bonification exceptionnelle destinée aux secteurs les plus émetteurs, tels que l'acier, le ciment ou l'aluminium, afin de soutenir leurs projets de substitution énergétique. Le deuxième touche à la mobilité professionnelle, où les règles applicables aux flottes de véhicules électriques ou rétrofités sont révisées, tandis que certains avantages spécifiques aux zones non interconnectées disparaissent. Enfin, le troisième axe porte sur l'inclusion sociale, grâce à la consolidation des programmes SLIME+ et TIMS qui renforcent respectivement la lutte contre la précarité énergétique et le développement de l'écomobilité inclusive.

Ces ajustements préfigurent les orientations de la 6ᵉ période des CEE (2026-2030), marquée par un renforcement des obligations et une volonté accrue de lier efficacité énergétique, compétitivité industrielle et inclusion sociale.

Pour les industriels, collectivités et entreprises, l'enjeu est désormais clair : anticiper dès 2025 et 2026 leurs projets afin de profiter des barèmes encore favorables et des bonifications transitoires avant leur réduction progressive.

Chez Alliance des Énergies, nos experts suivent en continu ces évolutions réglementaires et vous accompagnent pour les traduire en opportunités concrètes. De la conception des projets à l'optimisation des dossiers CEE, nous vous aidons à maximiser la valeur générée par vos actions d'efficacité énergétique et de décarbonation.