La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a arrêté le 30 septembre 2025 le coût complet du nucléaire historique à 60,3 €/MWh pour la période 2026-2028. Ce prix de référence servira de base au futur Versement nucléaire universel (VNU) et guidera la négociation des CAPN. Il marque une étape clé de la nouvelle régulation du marché de l’électricité en France.
Une annonce très attendue dans un contexte de fin d'ARENH
À trois mois de la disparition de l'ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), le 31 décembre 2025, la question du coût de référence du nucléaire français était cruciale. Ce chiffre détermine non seulement les conditions de sortie du dispositif, mais aussi les mécanismes de redistribution des revenus nucléaires dans le nouveau cadre de régulation.La CRE a fixé ce coût complet à 60,3 €/MWh en euros 2026 (≈ 61,5 €/MWh en valeur courante) pour la période 2026-2028. Pour la période suivante (2029-2031), il est projeté à 63,4 €/MWh en euros 2026 (≈ 68,4 €/MWh en valeurs 2025).
Ces évaluations incluent :
- les charges d'exploitation (maintenance, combustible, effectifs),
- les coûts du capital et amortissements,
- des provisions extra-comptables (notamment liées à la réforme des retraites),
- les ajustements méthodologiques pour limiter l'impact de l'inflation.
Un cadre de régulation stabilisé
Le prix arrêté par la CRE n'est pas seulement une estimation technique : il fixe un cadre clair pour le Versement nucléaire universel (VNU), qui prendra le relais de l'ARENH.
Le VNU prévoit qu'EDF encaisse les revenus de la vente de sa production nucléaire sur les marchés. Si ces revenus dépassent certains seuils, EDF est tenue de reverser une partie de ces gains à l'État sous forme de taxe :
- 50 % des revenus au-delà du coût complet + [5 à 25 €/MWh] (seuil de taxation) ;
- 90 % des revenus au-delà du coût complet + [35 à 55 €/MWh] (seuil d'écrêtement).
L'État redistribue ensuite ces montants à l'ensemble des consommateurs, qu'il s'agisse de particuliers ou de professionnels, afin de limiter l'impact de la hausse des prix de marché.
En parallèle, les Contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN) s'adosseront à cette référence de 60 €/MWh. Ces contrats bilatéraux de long terme entre EDF et les fournisseurs deviendront une pièce maîtresse du futur dispositif.
Un prix aligné avec la tendance des marchés
Cette évaluation intervient dans un contexte de détente des prix de marché. Fin septembre, le contrat BASELOAD 2026 s'échangeait à 56,63 €/MWh, son plus bas niveau de l'année, contre une moyenne de 63,49 €/MWh et un pic de 74,99 €/MWh.
L'analyse du marché montre que :
- 2026 et 2027 devraient rester sous les 60 €/MWh, soutenus par une bonne disponibilité du parc nucléaire et une demande atone
- une convergence progressive vers le pivot des 60 €/MWh est attendue d'ici 2027-2028
- à partir de 2029, la trajectoire haussière vers 63-68 €/MWh semble probable, liée aux investissements de long terme et aux besoins de prolongation du parc.
Autrement dit, le prix retenu par la CRE reflète bien une valeur d'équilibre entre marchés actuels et perspectives de moyen terme.
Implications stratégiques pour les entreprises
La fixation du coût nucléaire à 60 €/MWh ne constitue pas qu'un repère technique : elle oriente directement les stratégies d'achat des entreprises.
- Grands comptes électro-intensifs : l'accès aux CAPN adossés à ce prix pivot leur permettra de sécuriser une part de leurs volumes sur le long terme, tout en gardant une exposition de marché pour profiter des phases de prix bas.
- PME industrielles : les prix forward 2026-2027 restent actuellement sous les 60 €/MWh. Pour elles, l'enjeu est d'arbitrer entre des contrats de marché compétitifs à court terme et une sécurisation progressive. Chaque variation de 5 €/MWh représente environ 50 000 € sur 10 GWh de consommation annuelle : un écart significatif.
- Tertiaire et collectivités : la stabilité offerte par ce nouveau cadre est une opportunité de verrouiller des conditions de prix tout en anticipant les obligations réglementaires (décret tertiaire, BACS). L'association achat + efficacité énergétique financée par les CEE devient un levier essentiel pour limiter l'exposition future aux hausses attendues vers 2029-2031 (63-68 €/MWh).
- PPA et autoconsommation : le repère CRE donne un benchmark clair. Un PPA solaire à 55 €/MWh, par exemple, se compare immédiatement au pivot de 60 €/MWh et permet de juger la pertinence de l'investissement.
Reste une vigilance : les aléas techniques, climatiques ou géopolitiques peuvent provoquer des écarts temporaires. Les stratégies d'achat devront donc combiner contrats sécurisés, diversification et flexibilité.
En clair, ce nouveau cadre offre de la visibilité, mais exige des choix stratégiques précis selon la taille, l'activité et le profil de consommation de chaque entreprise.
Un signal structurant pour la politique énergétique
La fixation d'un coût complet de 60 €/MWh constitue une étape majeure. Elle :
- définit un prix pivot transparent
- alimente le calcul du VNU et des CAPN
- encadre les revenus du nucléaire historique
- et rassure les entreprises dans un contexte de sortie de l'ARENH.
Cette décision s'inscrit dans la refondation du cadre de régulation du nucléaire français. Mais une question demeure : l'annonce des seuils précis de taxation et la publication du décret d'application seront déterminants pour clarifier pleinement les règles du jeu.
Un cap fixé à 60 €/MWh, entre opportunité et normalisation
La CRE a tranché : le nucléaire historique français vaut 60 €/MWh. Cette décision stabilise la sortie de l'ARENH et offre une nouvelle boussole pour les acteurs du marché.
Pour les entreprises, l'enjeu est désormais de :
- sécuriser des contrats compétitifs sur 2026-2027,
- anticiper la convergence vers 60 €/MWh à l'horizon 2028,
- préparer l'avenir via CAPN, PPA ou efficacité énergétique.
Alliance des Énergies accompagne les professionnels dans la définition de stratégies d'achat adaptées et la sécurisation de leurs contrats.